Pourquoi cette application ?
Si vous commandiez un burger ou des sushis dans les années 2010, vous pouviez vous attendre à reconnaître chaque livreur ou livreuse de vos restaurants préférés. C'est normal, ils ou elles étaient probablement salariés directement par le restaurant. Aujourd'hui, ils et elles travaillent largement pour des plateformes comme Deliveroo ou Uber Eats.
Le vrai prix de la livraison à domicile
En leur imposant un statut d’auto-entrepreneurs, ces plateformes renouent avec le travail à la tâche du 19e siècle : c'est le nombre de livraisons, et non le temps de travail, qui détermine la rémunération. C'est aussi : pas de salaire minimum, une protection sociale réduite, aucune garantie d’emploi pour le lendemain.
Cette sur-exploitation des livreurs et livreuses permet d’assurer les profits de ces plateformes, et de maintenir des coûts limités pour le consommateur des grandes villes occidentales.
Pour maintenir cette situation, les applications de livraison déploient d'importants efforts pour la rendre invisible. Le lien entre consommateur et travailleur est volontairement distendu.
Vous ne connaissez plus les personnes qui vous livrent, et parfois vous ne les voyez même plus : la commande est déposée sur votre palier sans aucune interaction, vous versez un pourboire directement via l'application, etc. Ce qui serait difficilement acceptable face à une personne que vous connaissez devient alors tolérable, voire confortable.
Chiffrer pour rendre visible
En utilisant ces plateformes, nous avons un impact sur les conditions de travail d’autres personnes. Fais voir le pourboire propose un montant indicatif pour celles et ceux qui voudraient compenser en partie cet impact. Nous pensons cependant qu'un pourboire ne résoudra pas le problème, et nous encourageons surtout chacun et chacune à se saisir de cet outil pour ouvrir la discussion sur ces problématiques.
L’accès à la restauration, les enjeux de mobilité, la sécurité et la rémunération du travail, ou le rapport entre producteurs et consommateurs sont des sujets trop importants pour laisser celles et ceux qui détiennent le capital s’en occuper. Cette application se veut une petite pierre dans l’engrenage des plateformes… et dans la fronde de toutes les personnes qui ne veulent pas les laisser décider de nos modes de production et de consommation.
Qui est derrière Fais voir le pourboire ?
Nous sommes deux personnes qui aiment manger, et qui ont parfois la flemme de faire la cuisine. Nous aimons aussi les chiffres et la conception web, et profiter d'une partie de notre temps libre pour tenter de faire des choses utiles. C'est pourquoi nous avons choisi ce moyen, parmi d'autres possibles, pour contribuer au débat.
Nous avons aussi soumis l'application à l'avis de membres de La Maison des coursiers.
Aller plus loin...
Nous ne sommes ni coursiers, ni des spécialistes de la livraison de repas. Si vous souhaitez en savoir plus sur les conditions de travail des livreurs et livreuses, et comment agir, nous vous conseillons les liens suivants :
Pour agir, pour s'organiser
- CoopCycle, une fédération de coopératives de livreurs
- Les syndicats et collectifs qui se sont présentés aux dernières élections professionnelles du secteur
Pour s'informer
- Le site de l'autorité de relations sociales des plateformes d'emploi
- Réguler les plateformes numériques du travail, rapport au premier ministre, 2020
- Sante-course, projet de recherche en cours sur les conditions de travail et la santé des livreurs et des livreuses
Comment ça marche ?
Pour calculer le pourboire indicatif, nous utilisons des données publiquement disponibles, les paramètres que vous saisissez dans le formulaire, et un mode de calcul simplifié.
Les résultats du calcul ne sont pas incontestables : consulter la méthodologie.
Ce que nous ne calculons pas :
Cette application est illustrative, et ne reflète pas entièrement la réalité vécue par les livreurs et livreuses. Nous simplifions largement cette réalité, et négligeons des aspects qui peuvent être importants, en particulier :
- Nous tenons compte des principaux droits d’un salarié, en nous référant au droit du travail. Toutefois, nous n’intégrons pas des formes de rémunération plus indirectes, auxquelles les salariés ont souvent accès (titres restaurant, œuvres sociales, mutuelle, prévoyance…).
- Les calculs sont basés sur des valeurs moyennes. En pratique, tous les livreurs et livreuses ne sont pas à égalité, et certains sont rémunérés bien en-dessous de ces valeurs. Plus un livreur a besoin de revenu, plus il est contraint à accepter les courses les moins rentables. À l’inverse, un livreur avec plus d’ancienneté et déjà installé peut plus facilement identifier et refuser ce type de courses.
- Une part non négligeable des livreurs ne peut pas travailler légalement. Les plateformes ayant besoin de cette main-d’œuvre, elles laissent – avec la bienveillance de l'État – se développer une pratique : la location de comptes. Le principe est simple : une personne avec des papiers légaux crée un compte sur la plateforme, et une autre l’utilise. Le propriétaire du compte reverse ensuite les bénéfices au travailleur, moyennant une commission. D’après nos informations, cette commission peut être de 150 € par semaine.
- Les salariés ont accès à une complémentaire santé collective, au moins partiellement prise en charge par leur employeur. Les indépendants paient intégralement leur complémentaire, et ont accès à des contrats souvent moins favorables.